« J’ai dû trouver une nouvelle boîte. Ce n’était pas une entreprise facile.

Dans cette situation économique, dans cette crise, personne n’a vraiment de boîtes à donner gratuitement à un homme comme moi.

Les boîtes sont devenues aussi rares que les décisions intelligentes. »

Ficksion est né en 2020 au cœur de la pandémie, je dirais même de la pandémie.

Avec cette apparition subite des boîtes dans nos vies.

Notre foyer tout d’abord est devenu boîte, une boîte soigneusement calfeutrée, pourtant sans cesse connectée au flux d’informations anxiogènes du monde extérieur. Refuge, espace de repli, de digestion, il est aussi devenu poste d’observation vers un dehors irrémédiablement contaminé.

Des boîtes sont apparues au seuil de nos maisons. Livrées par des inconnus casqués, elles étaient manipulées avec précaution, ouvrant sur des biens, essentiels ou non, c’est selon, preuves indéniables en tout cas que dehors il se passait des choses, que le monde extérieur continuait à produire, préparer, fabriquer quelque part…

Sans parler de la boîte de mon corps emprisonné dans cette boîte appartement. Un corps qui n’avait pourtant rien perdu de ses facultés de connexion, de ses désirs et nécessités à rencontrer l’autre.

Désorienté, en équilibre précaire, je me suis senti malgré le cadre si délimité de mon existence-mise-en-boîte balloté de gauche et de droite, comme un carton de déménagement.

J’ai donc commencé à écrire ce corps confiné, balloté, invisible, se mouvant dans un espace encombré de ce que l’on ne veut plus ou de ce que l’on ne veut pas voir, semé d’embûches, rampant entre les couches de cartons instables, progressant par strates successives, tout autant physiques qu’intimes et intérieures. Un corps qui se cache, se camoufle, se masque, se protège, un corps désarmé qui sait la fragilité de la construction précaire et absurde derrière laquelle il s’abrite…